vendredi 15 juin 2012

LE QUOTIDIEN DES ÉTUDIANT-E-S EMPRISONNÉ-E-S

ASSISTER AUX ÉXAMENS, C'EST PAYANT; 
LE X-RAY, PIRE QUE LE PASSAGE DU PONT ENTRE LE PARADIS ET L’ENFER


Le nombre des étudiant-e-s enfermé-e-s en prison en Turquie approche les 700. De nombreux étudiant-e-s se trouvent en prison pour: avoir porté un keffieh, jeté des œufs, vendu des billets de concert, tenus des pancartes dans des manifestations, avoir revendiqué un enseignement gratuit. Dernièrement, un procès a été intenté à l'encontre d'un étudiant ayant lancé des œufs à Egemen Bağış (ministre actuel des affaires européennes), il encours 5 ans de prison.

Alors que leur nombre atteint de telles proportions, que les délits sont des œufs, keffieh, et autres, et que le sujet concerne les jeunes, le sujet des « étudiant-e-s détenu-e-s » est devenu un thème qui attire l'attention de tou-te-s les député-e-s, écrivain-e-s, juristes, familles, ami-e-s, c'est à dire de quiconque a un minimum de conscience. Ceci est un problème en soi. Mais alors tant alors que leur détention et leur procès se poursuivent, ces jeunes font face à de nombreux problèmes. L'un des plus important est de pouvoir continuer à suivre les cours. Ensuite, les situations psychologique, boire, manger, tous ces choses sont en soi de gros problèmes.

Des étudiant-e-s membres de Genç-Sen (syndicat étudiant), se basant sur les lettres reçues de leurs ami-e-s en prison, ont pris le stylo pour raconter ce que vivent les étudiant-e-s emprisonné-e-s.

De l'autre côté du mur: la vie « routinière » dans les prisons

Fouilles méticuleuses et bastonnade de « bienvenue »

Avant tout il faut préciser que la prison, dès le premier instant est un système qui nécessite que vous niiez votre personnalité. La première fois que vous rentrez entre ces murs, ils exigent de vous que vous retiriez tous vos habits. Cette technique appelée « Fouille méticuleuse » va jusqu'à des fouille anale pour les hommes et des tests de virginité pour les filles. Si vous résistez et vous opposez à cela ce sont les « coups de bienvenue » et la mise à l'isolement qui vous attendent.

Et puis, la première fois que vous rentrez, une des obligations que doit remplir la direction de la prison est de vous faire passer par un examen médical. Mais c'est juste une formalité. Quand vous allez à l'infirmerie, le médecin vous observe seulement de loin et vous donne un rapport comme quoi vous allez bien.
Trouve une place, pour qu'il dorme

A votre entrée en prison, un matelas vous est remis. En temps normal vous devez le mettre dans un des lits superposés vides de la cellule. Mais en voyant que le nombre de gens dans la cellule
est bien supérieur à sa capacité, vous commencez à chercher non pas un lit vide mais un bout de sol inoccupé.

Y a-t-il encore un-e chef-fe de dortoir, un ağha?

L'une des premières questions posées à celles et ceux qui rentrent en prison est « y a t-il encore un système de chef? » Nous pouvons dire que aujourd'hui dans les prisons il n'y a plus de système de chefferie mais si vous êtes incarcéré-e-s avec les prisonnier-e-s de droits commun, il y a un-e « représentant-e » du dortoir. Ceux/celles-ci sont en lien étroits et en très bons terme avec l'administration pénitentiaire. Ce sont eux/elles qui décident de qui fait quelle tâche dans le dortoir. Si vous venez d'arriver dans le dortoir ils vous font laver la vaisselle de tout le dortoir et tout leur propre linge.


Les portiques de sécurité à rayons X : maltraitance aussi pour les visiteur-se-s

Lors de toutes vos entrées et sorties de la partie de la prison où se trouvent les cellules vous passez par les portiques de sécurité à rayon X. Et quoiqu'il arrive vous devez y passer sans que l'appareil ne sonne. Tant que l'appareil sonne il vous est demandé d'enlever vos vêtements, et si malgré cela ça continue à sonner, d'autres méthodes sont alors employées.

Par exemple pensez à un-e détenu-e qui a du plomb dans le dos, comment peut il-elle passer sans que le portique ne sonne? Ils veulent qu'il/elle y passe de biais et très rapidement. (C'est un fait vécu à la prison de Sincan). Les personnes qui viennent vous rendre visite aussi doivent passer sans que ça sonne. Disons que votre mère est âgée, et a de la platine dans la jambe, cela est beaucoup plus « facile » pour vous qu'elle ne vienne pas à la prison.


Les habitudes du coup d'État du 12 septembre 1980
se perpétuent

Le comptage des détenu-e-s a lieu 3 fois par jours, et de manière curieuse, on exige encore de vous que vous vous teniez au garde à vous. Comme on le voit dans cet exemple, les pratiques insensées du 12 septembre gardent toutes leur validité en ce qui concerne les prisons. Une des autres pratiques concernant les jeunes de moins de 21 ans et les enfants est le rasage obligatoire de la tête. Ici, dès la première entrée, tout le monde est rasé à 3 millimètres de manière obligatoire. Ici se laisser pousser la moustache et la barbe aussi est interdit.

L'hygiène et se nourrir de manière saine sont des choses impossibles

Il y a de l'eau chaude seulement 2 fois par semaine pendant 2 heures. Ceci, pour les cellules bondées, crée de sérieux problèmes de propreté. Quand à la nourriture, elle est extrêmement grasse et salée. Nous savons qu'en général les détenu-e-s, au bout d'un an commencent à avoir des problèmes d'estomac. Si en plus, pour des raisons de santé vous devez avoir un régime particulier, cela devient vraiment compliqué pour vous. En général, vous êtes obligé-e-s de vous débrouiller avec le pain et le fromage.


Les courses en prison

Vous avez le droit de cantiner à la cantine de la prison un jour par semaine. Vous préparez une liste et le gardien vous rapporte ce qu'il a jugé « adéquat » à vos besoins. Dans une telle situation, si, alors que vous aviez demandé du dentifrice on vous rapporte une brosse à dent, il n'y a pas lieu de s'en étonner. Aucun produit ne vous est donné de manière excédentaire. Afin d'éviter ce qu'ils nomment « utilisation non conforme », par exemple ils ne vous donnent pas cinq paquets de biscuits petits-beurre par semaine.
Disons que dans votre cellule se trouve par erreur un produit en quantité supérieure à ce qui est autorisé, cela peut donner lieu à des sanctions disciplinaires. Mais certaines de vos erreurs ne sont pas du tout traitées de la même manière. Par exemple dans la prison de Sincan, un de nos amis qui au lieu de « 5 pièces », avait écrit par erreur « 5 kilo » de citron, malgré ses objections et le fait qu'il dise qu'il n'avait pas besoin d'autant de citron, a été obligé de boire de la limonade toute la semaine!

Le métier d'étudiant-e-s est un dur métier, les examens c'est payant

Pour un-e étudiant-e travailler ses cours ou lire en prison est quelque peu compliqué. Comme si ces bâtiments fait de tonnes de fer et de béton avaient été fait pour répercuter le son, le moindre petit bruit résonne dans toute la cellule et il y a sans arrêt des « gens » qui font du bruit dans les couloirs.

Si vous n'êtes pas condamné-e-s mais en préventive, vous avez en théorie le droit d'assister aux examens dans votre université; si vous avez de l'argent bien sûr. Vous devez payer de votre poche l'essence du fourgon de la prison qui vous transporte à l'université. Et ces véhicules doivent consommer tant d'essence que pour vous transporter aller-retour à l'université à l'intérieur de la ville, l'argent qui est demandé est en moyenne 100 lira (environ 50 euros). Nous connaissons ces véhicules à travers l'évènement dans lequel 5 prisonnier-e-s sont morts brûlé-e-s vif-ve-s enfermé-e-s, sans que la porte leur soit ouverte ce qui aurait permit de les sauver.
Et dans ces camions comprenant des cellules de 8 et 6 personnes, vous êtes menotté-e-s. Dans ces véhicules qui ont des fenêtres aussi petites que s'il n'y en avait pas, si en plus vous avez des problèmes comme l'asthme, ce trajet se transforme en une torture.

Disons que vous êtes détenu-e dans une prison à Istanbul et vous allez aller à votre université à Ankara pour votre examen. L'argent du trajet atteint les 1000 euros. Vous restez de manière temporaire dans une prison à Ankara. Dans cette prison dans laquelle vous restez en moyenne 15 jours pour un examen d'un jour, vous ne pouvez pas non plus cantiner à la cantine de la prison parce que votre compte est à Istanbul.

Concernant les livres auxquels vous avez droit en cellule aussi il y a une limite. Les livres religieux et livres de cours ne sont pas soumis à ces limitations. Mais concernant les romans le nombre ne dépasse pas les 10. Si vous en avez plus que ça, ça donne lieu à une sanctions disciplinaire. Les livres qui vous sont apportés de l'extérieur passent d'abord par la commission de lecture. Si ils sont jugés conforme ils vous sont donnés. Et cela prend en moyenne entre 15 jours et un mois.

Emiyra Yılmaz

Traduction: Initiative de Solidarité avec les Étudiant-e-s emprisonné-e-s en Turquie



Source : http://dipnot.tv/26327/Tutuklu-ogrencilerin-cezaevi-gunlukleri-Sinava-girmek-parayla-X-Ray-sirat-koprusunden-beter.aspx

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